Les travailleurs sans-papiers de la plate-forme DPD du Coudray-Montceaux (91) sont en grève depuis le 15 novembre. Près de cinq mois de lutte donc, où ils affrontent non seulement des conditions climatiques des plus difficiles, mais aussi le mépris de leurs employeurs, qu’il s’agisse des agences d’intérim, le sous- traitant Derichebourg ou le donneur d’ordre (le groupe La Poste dont DPD est une des filiales du colis).
À aucun moment ceux qui, sans vergogne et en toute connaissance de cause, exploitent ces travailleurs, n’ont pris leurs responsabilités, alors qu’ils profitent tous du travail de ces derniers. Ils maintiennent leur position, qui est de ne pas les reconnaître comme travailleurs de leur entreprise.
Mais il faut également pointer le fait que les pouvoirs publics, censés représenter l’intérêt général et défendre les droits des salarié·e·s, se font les complices actifs de ceux qu’il faut bien qualifier de patrons voyous.
C’est le cas de la préfecture de l’Essonne qui, à l’instar de ses homologues des Hauts-de-Seine (concernant la lutte des travailleurs sans-papiers de RSI) et du Val-de-Marne (pour les travailleurs de Chronopost), refuse de discuter réellement des revendications des grévistes. Pire, elle collabore de manière visible avec Derichebourg.
Ainsi ce sous-traitant, à la fois spécialiste des marchés publics et de l’exploitation féroce des sans-papiers, peut tranquillement envoyer un mail annonçant la convocation de grévistes de DPD en préfecture, sans que cette dernière ne donne signe de vie aux personnes concernées, et sans que cela ne soulève d’objection. La préfecture du 91 a donc manifestement choisi, elle aussi, de sous- traiter une partie de ses activités à Derichebourg ! Pourtant un rapport de l’inspection du travail avait pourtant établi le fait que plusieurs dizaines de travailleurs sans-papiers sont bel et bien employés dans la plateforme du Coudray-Montceaux. La préfecture a fait le choix d’enterrer ce dernier.
L’attitude de la mairie du Coudray-Montceaux est du même ordre. Aurélie Gros, maire de la commune, tente de faire croire, depuis le 15 novembre, qu’elle est une élue soucieuse des droits humains. Mais, plus que ses déclarations, ce sont les décisions qu’elle prend qui donnent la véritable teneur de son « humanisme ». En février, elle prenait un arrêté d’interdiction du piquet tenu de manière permanente devant le site de DPD. Elle mettait ainsi ses pas dans ceux de DPD, qui dénie le caractère de grève de travailleurs à cette lutte.
Elle croyait peut-être se débarrasser ainsi des grévistes : « cachez ces damnés de la terre que je ne saurais voir ». L’opération a été un échec, puisqu’ils maintiennent un piquet de jour avec détermination depuis lors. Le 1er avril, Mme Gros prenait un nouvel arrêté (voir ci-dessous) interdisant de fait tout type de manifestation sur le territoire de la commune, ni plus ni moins. La manifestation prévue pour le 5 avril, dans le cadre de laquelle nous avons demandé à rencontrer la maire, ainsi que le président de la communauté d’agglomération de Grand Paris Sud, est donc tout simplement interdite. Parmi les considérants qui sont autant d’arguments oiseux, on trouve cette perle : « la question des sans- papiers suscite un vif débat au sein de la société, exacerbé dans la période électorale en cours, le vote des citoyens coudraysiens pourrait en être influencé ».
Outre le fait que Madame Gros, qui n’a pas le courage d’assumer ses positions, s’octroie le droit de parler à la place de ses administrés en en donnant une bien piètre image, son argumentation inverse totalement les responsabilités. Elle accuse sans honte les grévistes et leurs soutiens de potentiellement faire le jeu de l’extrême-droite. Or pour nous, combattre, dans les faits et pas seulement en paroles, l’extrême-droite et son influence dans toutes les sphères de la société, cela passe par le soutien aux luttes des plus opprimés et des plus exploités. Faire progresser les droits de ces derniers, c’est faire avancer les droits de toutes et de tous, c’est faire reculer les idées réactionnaires. On notera au passage que la propagande nauséabonde des Le Pen, Zemmour et Cie, relayée dans les meeting de campagne ou les médias, n’a pas l’air de gêner la maire du Coudray-Montceaux.
Nous le disons tout net à Aurélie Gros : cette politique répressive ne fonctionnera pas plus aujourd’hui qu’il y a deux mois. Nous avons entamé, avec notre avocat Arié Alimi, une procédure en référé afin de faire annuler cet arrêté. Nous appelons celles et ceux qui, au contraire de l’État et de la mairie du Coudray, ont choisi le camp de l’humanisme et de la justice sociale, à participer à l’ensemble des initiatives des sans-papiers grévistes du 91, du 92 et du 94.
Pour aller plus loin : http://www.sudptt.org/Greve-de-nos-camarades-sans-papiers-les-pouvoirs-publics-continuent-de-soutenir